Le secteur de la pêche et de l'aquaculture est un contributeur clé au développement économique de Madagascar, générant environ 750 millions USD par an, soit 7% du PIB national et 6,6% des exportations du pays.
Au-delà de l'exploitation elle-même, la dimension environnementale devient de plus en plus importante lors du lancement d'une entreprise dans ce secteur. Si les activités de pêche ne requièrent généralement qu'une autorisation d'exploitation, comme nous l'avons évoqué dans notre précédent article : « Industries commerciales nécessitant une licence ou un permis à Madagascar« Les opérations d’aquaculture sont soumises à des contrôles environnementaux plus stricts.
Cet article propose un guide pratique pour naviguer dans les permis et autorisations environnementaux pour les projets d’aquaculture à Madagascar.
tl;dr: Créer une entreprise aquacole à Madagascar nécessite plus qu'une simple licence d'exploitation. Selon la taille et l'intensité du projet, les investisseurs doivent également obtenir une autorisation environnementale ou un permis environnemental.
Définition et portée de l'activité aquacole à Madagascar
La principale référence juridique pour les activités de pêche et d'aquaculture à Madagascar est la loi n°2015-053, dite loi Code de la pêche et de l'aquaculture. Certains articles de ce Code ont été mis à jour par Loi n°2018-026.
Définition de l'aquaculture et des systèmes de production
L'aquaculture englobe toute activité visant à produire des organismes aquatiques par des méthodes qui contrôlent une ou plusieurs phases du cycle biologique des organismes et l'environnement dans lequel ils se développent.
Les systèmes de production sont généralement classés en trois types.
- Aquaculture extensive : caractérisée par une faible densité de stockage, un contrôle minimal, un faible investissement, une technologie simple et aucune alimentation supplémentaire.
- Aquaculture semi-intensive : implique une densité de stockage moyenne, un contrôle modéré, l’utilisation de semences produites en écloserie, une alimentation supplémentaire et un échange d’eau ou une aération limités.
- Aquaculture intensive : caractérisée par une densité de stockage élevée, un degré élevé de contrôle, des investissements importants, une technologie de pointe, une alimentation régulière et un échange d'eau ou une aération continue.
Portée des activités d'aquaculture
Les activités aquacoles sont également classées en fonction de leur finalité :
- Aquaculture de subsistance : Désigne la production d'organismes aquatiques destinés à la consommation personnelle des producteurs.
- Aquaculture commerciale : Il s’agit de produire des organismes aquatiques destinés à la vente ou à d’autres fins commerciales.
- Aquaculture scientifique : Comprend les activités de recherche ou expérimentales visant à tester de nouveaux systèmes de production, de nouvelles techniques ou de nouvelles espèces pour le développement et l’amélioration des pratiques aquacoles.
Système d'évaluation environnementale de l'aquaculture à Madagascar
Ce code de la pêche et de l'aquaculture fonctionne en tandem avec le Décret n°2025-080 fixant les règles et procédures d'évaluation environnementale et sociale.
Ce décret, également connu sous le nom de « Mise en Compatibilité des Investissements avec l'Environnement » (MECI), définit le Système d'Évaluation Environnementale qui établit les procédures d'évaluation environnementale et sociale des projets d'aquaculture.
Dans le cadre de ce système, les projets d’aquaculture sont classés en trois catégories principales en fonction de leurs impacts environnementaux et sociaux potentiels :
- Les projets de catégorie A nécessitent une étude d’impact environnemental et social (EIES) complète en raison de leurs impacts importants.
- Les projets de catégorie B sont soumis à un Programme d’Engagement Environnemental et Social (PREES) car ils ont des impacts modérés.
- Les projets de catégorie C sont considérés comme ayant des impacts environnementaux et sociaux négligeables ou nuls.
Dans le cadre de cet article, nous nous concentrerons principalement sur les projets de catégorie A et B.
Catégorie A : Projets nécessitant une évaluation d'impact environnemental et social (EIES)
Les projets classés dans cette catégorie doivent obtenir un permis environnemental, délivré par l'Office National de l'Environnement (ONE) après approbation de l'EIES.
Les projets de ce groupe comprennent :
- Exportation ou importation d’espèces aquatiques vivantes ou de matériel reproducteur.
- Pisciculture avec une densité supérieure à 25 kg/m³.
- Utilisation d'eau de surface ou souterraine supérieure à 30 m³/heure.
- Unités de traitement ou de transformation produisant plus de 150 tonnes/an.
En outre, conformément à l'article 111 du Code de la pêche et de l'aquaculture, les exploitations aquacoles semi-intensives et intensives doivent obtenir un permis environnemental. Le non-respect de cette obligation est passible d'amendes allant de 6 à 15 millions d'ariary par hectare de bassin aquacole.
Dossier de candidature EIES
Pour obtenir un permis environnemental, les investisseurs en aquaculture doivent constituer un dossier complet d'Évaluation des Impacts Environnementaux et Sociaux (EIES). Ce dossier doit comprendre les éléments suivants :
- Documentation juridique:Preuve de propriété foncière ou contrat de bail datant de moins de trois (03) mois pour le site du projet.
- Autorisation sectorielle:Le permis d'exploitation du Ministère des Pêches et de l'Economie Bleue.
- Description détaillée du projet:Cela devrait inclure une description des infrastructures, des processus, des technologies et des matériaux à utiliser, ainsi qu'un plan de développement du site, une carte et un calendrier couvrant les phases de construction, d'exploitation et de déclassement.
- Cadre juridique et institutionnelExamen de l'ensemble des lois, réglementations et normes environnementales et sociales nationales et internationales applicables au projet, ainsi que des institutions chargées de leur mise en œuvre et de leur suivi. Ce cadre devrait également intégrer la protection des droits humains, les considérations de genre, les normes sociales et la résilience climatique, en s'appuyant sur les conventions nationales et internationales pertinentes.
- Définition de la zone d'étude:Une délimitation claire du périmètre de l’étude, qui peut s’étendre au-delà des limites strictes du projet, assurant la cohérence du processus d’évaluation d’impact.
- Conditions environnementales et sociales de baseUne analyse de l'état actuel de l'environnement dans la zone du projet. Cette section doit inclure un modèle schématique des principaux systèmes environnementaux et sociaux, ainsi qu'une hiérarchie des problèmes et contraintes identifiés.
- Identification des principaux problèmes et risques:Évaluation des principaux risques sociaux, environnementaux et politiques associés au projet.
- Évaluation d'impact et projectionsÉvaluation qualitative et quantitative des effets potentiels, positifs et négatifs, directs, indirects, cumulatifs et à long terme, du projet. Elle doit également inclure une modélisation prospective des impacts potentiels.
Soumission de l'EIES à l'Office national de l'environnement (ONE)
Une fois le dossier EIES complété, l’investisseur doit soumettre une demande formelle d’évaluation EIES au Directeur Général de l’Office National de l’Environnement (ONE).
Cette soumission doit inclure, en plus du rapport EIES, les pièces justificatives suivantes :
- Une demande écrite du promoteur du projet adressée au Directeur Général de l'ONE.
- Le registre du commerce de la société, les statuts et le procès-verbal de nomination du directeur de la société.
- Une carte fiscale et une carte statistique valides, ainsi que tous les documents prouvant l'existence légale de l'entreprise.
- Un document de faisabilité technique, validé par le ministère de tutelle, qui sert également de base à la liste des investissements matériels.
- Pièces justificatives du montant d'investissement prévu.
- Résumés non techniques du rapport EIES en malgache et en français.
- Un reçu de paiement de la contribution de l'investisseur aux frais d'évaluation environnementale et de suivi du Cahier des Charges Environnementales et Sociales (CCES).
Processus de validation EIES
La période d'évaluation débute dès que l'ONE déclare le dossier recevable. L'ONE examine la demande dans un délai de six mois (voire plus) à compter de la date à laquelle le dossier est jugé recevable.
Si la demande est approuvée, l’investisseur reçoit un permis environnemental signé au nom du ministre de l’Environnement.
Ce permis est valable cinq ans, après quoi le Plan de Gestion Environnementale et Sociale (PGES) doit être mis à jour et revalidé.
Catégorie B : Projets nécessitant un Programme d'Engagement Environnemental et Social (PREES)
Les projets d'aquaculture de petite échelle relèvent de la catégorie B, qui nécessite l'approbation d'un Programme d'Engagement Environnemental et Social (PREES). Ce processus conduit à la délivrance d'une autorisation environnementale par la Cellule Environnementale du ministère chargé de la Pêche et de l'Aquaculture.
Les projets soumis à cette procédure comprennent :
- Unités de traitement ou de transformation du poisson produisant 50 à 150 tonnes/an.
- Exploitation piscicole avec une densité de 10-25 kg/m³.
- Écloseries ou fermes de spiruline.
Dossier de candidature PREES
Etant donné que cette demande est formulée au sein du Ministère chargé des pêches et de l'aquaculture, qui dispose déjà de certaines informations sur l'entreprise issues du processus d'octroi du permis d'exploitation, la procédure du Programme d'Engagement Environnemental et Social (PREES) est moins lourde que celle de l'EIES.
Un dossier PREES doit comprendre au moins les documents suivants :
- Documentation juridique:Preuve de propriété foncière ou contrat de bail datant de moins de trois (03) mois pour le site du projet.
- Autorisation sectorielle:Autorisation du service compétent selon le type de projet.
- Présentation du projetDescription de la nature, de la localisation, des objectifs, du calendrier de mise en œuvre et des principales activités du projet, avec justification de ses objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Comprend également les lois, règlements et conventions applicables, ainsi que les autorités responsables de l'approbation et de la réglementation.
- Description de l'environnement existant:Aperçu des conditions physiques (climat, géologie, hydrologie, qualité de l’air et du sol), biologiques (faune, flore, biodiversité) et socio-économiques (communautés locales, activités économiques, utilisation des terres, infrastructures) de la zone du projet.
- Identification des risques et des impacts:Évaluation des impacts environnementaux et sociaux potentiels directs et indirects, y compris les effets sur la biodiversité, les écosystèmes, la santé publique et les communautés locales.
- Plan de gestion environnementale et sociale (PGES) : Mesures d’atténuation ou de compensation des impacts négatifs, gestion des déchets, gestion de la biodiversité (le cas échéant) et gestion des risques/incidents, y compris les plans d’urgence.
- Plan de suivi et d'évaluation:Indicateurs environnementaux et sociaux, fréquence et méthodes de suivi, responsabilités et budget attribués.
- Plan de consultation publique:Résumé des consultations avec les parties prenantes, notamment les communautés locales, les organisations de la société civile et les autorités, et réponses aux commentaires reçus.
- Engagement du promoteur:Déclaration formelle de respecter les mesures d’atténuation, de se conformer aux normes environnementales et de tenir les autorités informées.
- Résumé non technique:Version simplifiée du rapport en malgache et en français.
- Version simplifiée pour les parties prenantes:Une version conçue pour un public non spécialiste.
- Annexes:Cartes, plans, rapports techniques, autorisations légales et procès-verbaux de consultations publiques.
Soumission et validation du PREES
La demande de PREES est soumise à la Cellule Environnement du Ministère de la Pêche et de l'Économie Bleue. Celle-ci examine le dossier et, si l'avis est favorable, délivre l'autorisation environnementale dans un délai de 45 jours.
Résumé : Autorisation environnementale vs. Permis environnemental pour les activités d'aquaculture à Madagascar

Il est à noter que dans les deux cas, l’autorisation environnementale doit être obtenue après la demande de permis d’exploitation d’aquaculture.
Conclusion
Le cadre environnemental de Madagascar en matière d'aquaculture est détaillé et rigoureux. Les investisseurs doivent anticiper les délais et la documentation nécessaires à la conformité environnementale, qu'il s'agisse d'une autorisation environnementale ou d'un permis de lancement d'opérations.
Bien suivre les procédures du MECIE permet non seulement d’obtenir l’approbation réglementaire mais aussi de démontrer un véritable engagement en faveur d’une aquaculture durable et responsable à Madagascar.
Si vous êtes curieux d'en savoir plus sur la création d'une entreprise dans ce secteur, n'hésitez pas à contacter l'équipe Madagascar InvestNous serons heureux de vous guider tout au long du processus et de répondre à toutes vos questions.
